vue par...Lionel Parrini

Des fenêtres-graines


Les images de Léa me capturent sans m'agresser - avec une tendresse et une douceur - auxquelles je ne résiste pas. Je dirai même que ces photos/ vidéos me font souvent des confidences sous la forme de murmures. Je n'y peux rien si son travail artistique me suggère de lâcher prise, à vrai dire, j'accepte volontiers l'invitation :

Ne pas sauter dans le vide les yeux fermés.

Ne pas courir sans laisser le regard s'échapper vers la lumière des peut-être, des possibles, des « ce que je crois voir ».

Marcher vers les nuages les pieds dans la poussière et atteindre pourtant, malgré la distance, la chair du ciel.

Epouser des visages lointains dans la promiscuité d'un « je t'aime » muet.

Répandre la peinture brumeuse de l'âme pour en faire ressortir la lumière extérieure vivante : solitaire. Ou l'ombre joyeuse : désinvolte.

Oui, en regardant le travail de Léa, des sensations me caressent le visage pour me murmurer encore :

Ne pas presser seulement le doigt vers la technique dans un cadre parfait.

Ne pas seulement cueillir l'instant - splendide et nu - pour l'offrir à tous mais avant tout lui laisser le temps de surgir. Mûrir.

La patience, comme une bougie d'enfance pour composer des vœux encore vierges.

La décence indécente, comme un salut de mannequin en vitrine devenu pacifiste après quelques shoots d'exhib.

Léa a ce talent, oui : créer une mosaïque de désirs dans l'éclat d'un seul carreau, dévoiler la beauté de quelques mots pas encore dits, afficher des secrets visibles dans la plus belles des invisibilités. Savoir faire tout cela avec... générosité. Ouvrir les bras et s'effacer. La discrétion pour grâce. L'intuition, pour arme.

Chercheuse passionnée - qui trouve - son regard errant se fixe, enfin, devant le sujet choisi - fragile, encore en mouvement, mais libre - et le regard de la photographe/vidéaste l'espionne. Il guette. Il hésite. Il désire. Il recherche dans l'espace galactique le moment où il faudra « sauter dans le vide ». Alors, Léa, la mère de ce regard-enfant, se focalise sur son ventre. Pour que ce dernier lui donne l'impulsion. Lui seul. Pour qu'il lui donne l'autorisation - lui seul - d'embrasser la plénitude en un seul clic.

Pendant ce temps - incommensurable - comme une eau sauvage qui creuse de l'intérieur la roche d'une cascade, Léa, attentive, enregistre toutes les émotions et les diffuse dans tous son corps. Lorsque le cœur ne sait plus - où que tout cela va trop loin - le réflexe fait le reste et Léa appuie sur la détente.

Alors...

Pour notre plus grand bonheur, sous nos yeux, naissent des fenêtres-graines.

Des œuvres - à méditer - qui prolongent notre vision du monde et nous invitent aussi à écouter notre intériorité, les yeux fermés.

(Je ne m'en lasse pas.)

Lionel Parrini | auteur dramatique